L'école romantique en France (1902)

Chapitre XXXII. Le drame. Vitet. - Dumas. - de Vigny. - Hugo.

Tandis que le romantisme triomphait avec tant d'éclat dans la poésie lyrique, dans le roman, dans la nouvelle et dans la critique, il ne put produire dans le drame que des oeuvres bien inférieures. Et comme l'ancienne esthétique regardait le genre dramatique comme le genre le plus élevé, ainsi — chose curieuse — qu'on le fait d'ailleurs encore aujourd'hui, cette lacune fut vivement ressentie. Le drame romantique ne put nulle part prendre pied. Ceux de Hugo n'eurent de la vogue que comme textes d'opéras romantiques; ceux de Mérimée ne furent jamais représentés, ceux de George Sand et de Balzac n'obtinrent que des succès d'estime, quelques petites comédies de Musset seulement furent plus tard jouées, pendant que Scribe régnait en maître, avec ses collaborateurs, sur tous les théâtres français et étrangers. Et cependant les romantiques déployèrent beaucoup de talent dans le domaine dramatique.

Le premier essai de ce genre ne manqua certes ni d'originalité ni de grandeur. Ce furent les scènes dramatiques que Vitet publia de 1826 à 1829 et qu'il rassembla plus tard sous le titre: "La Ligue". Il avait voulu dramatiser l'histoire de France sans y rien ajouter,

|323|

laissant seulement à son imagination le soin d'animer les caractères. Il y a complètement réussi, et il a su faire revivre l'esprit du XVP siècle et donner à ses personnages le costume et les idées de cette époque.

Ludovic Vitet naquit à Paris en 1802, fut élève de l'Ecole Normale, afficha de bonne heure un libéralisme politique et fut l'un des membres de la société: "Aidetoi, le ciel t'aidera." Comme nous l'avons vu,*) il défendit le romantisme avec passion dans le journal "Le Globe". Toutes ses oeuvres poétiques appartiennent à la première période de sa jeunesse, à l'exception des scènes dramatiques beaucoup pins faibles qu'il publia en 1849 sous le titre: "Les Etats d'Orléans". Sa biographie est simple. 11 fut l'ami inséparable du comte Uuchâtel. Lorsque la révolution de juillet eut amené au pouvoir ses amis politiques et que le comte Duchàtel fut entré dans le ministère Guizot, il fut nommé Inspecteur des monuments historiques, emploi que Guizot créa spécialement pour lui. Dès cette époque, il passa entièrement à la politique, devint membre du parlement en 1834, conseiller municipal en 1836 et membre de l'Académie en 1846. Il s'était rallié, pendant ce temps, aux idées conservatrices et monarchiques. De 1851 à 1871, il se tint à l'écart des affaires publiques et ne reprit qu'après la guerre, sous Thiers, un poste éminent auquel la mort l'arracha en 1873. Vitet est un exemple frappant de la manière dont un puissant mouvement artistique peut inspirer des chefs-d'oeuvre à des esprits qui semblent naturellement réfractaires à l'art. Après 1830, il ne se fit plus connaître que par ses travaux sur l'histoire de l'art. Il écrivit une biographie du comte Duchàtel; quant à ses articles historiques et littéraires, ils sont aussi secs et aussi ennuyeux que ceux de Mérimée. C'est pourquoi on revient toujours aux oeuvres de sa jeunesse: "Les Barricades", "Les Etats de Blois", et "La Mort de Henri III". Les personnages principaux, les rois Henri II et Henri III aussi bien que les ducs de Guise

*) cf. chap. \'. {). 48.

21*

|324|

pendant plusieurs générations, sont si vivants qu'on peut les comparer à ceux des "histoires" de Shakespeare (Henri IV et Kichard III exceptés). Les idées et les moeurs du tem])s sont retracées d'une main si vigoureuse qu'un contemporain n'aurait pu sans doute mieux faire. "Les Etats de Blois" forment assurément un chef-d'oeuvre à part. Pour s'en faire une idée exacte, je recommande de lire les scènes qui précèdent la mort du duc de Guise. Il est peu de poètes qui aient osé ainsi briser avec la tradition dans un drame historique. Le drame de Vitet surpasse encore le superbe tableau de Delaroche qui nous montre Henri III entr'ouvrant la porte de la salle où vient de se commettre l'assassinat et contemplant le cadavre de son ennemi. Chez Vitet, le roi se lève à quatre heures du matin pour plonger dans l'eau bénite des poignards castillans qu'il distribue en tremblant à ses amis, sans même prononcer le nom du duc, La mère de celui-ci et sou amante l'ont prié en vain, la veille, d'épargner sa vie et de ne pas se rendre au Conseil, Il s^y rend à son réveil, le lendemain matin, mais un sombre pressentiment l'oppresse, son nez se met à saigner, il a oublié son mouchoir et il envoie quelqu'un le chercher. Les gardes écossais, par inadvertance, barrent trop tôt le chemin au messager; mais ils comprennent leur erreur et le duc reçoit son mouchoir. Mais il est agité et, tout vaillant qu'il soit, il se sent mal à l'aise. Il n'a encore rien mangé, il se sentira mieux quand il aura pris quelque chose; il porte la main à la bonbonnière qui pend à sa ceinture, elle est vide; il envoie de nouveau chercher un peu de nourriture. C'est alors que Eévol sort de la chambre du roi et lui dit: "Le roi désire vous parler, Monseigneur!" Les conseillers se regardent en silence; le duc se lève, il veut mettre son manteau qui glisse sur ses épaules, et cherche inconsciemment à gagner encore un peu de temps, assez homme pour trembler sur le seuil de la mort, mais trop fier pour essayer de l'éviter. Il demande un autre mouchoir parce que le premier est

|325|

tout taché de sang; de nouveau, l'un des conjurés sort pendant que les autres sont comme sur des charbons ardents. Vitet peint à merveille Timpatience, le faux point d'honneur qui nous pousse parfois, pour échapper à une situation ridicule et pénible, à commettre les plus grosses sottises. Comme son serviteur tarde à revenir, le duc, à bout de patience, ouvre donc la porte en disant: "Je ne puis laisser le roi attendre plus longtemps." La porte se referme sur lui, et les officiers lui enfoncent leurs longs poignards dans le coeur.

L'auteur, on le voit, recherche tant les détails qu'il est impossible de représenter ses drames sur la scène, et qu'ils ne sont faits que pour la lecture. La raison en est que la passion poétique et la faculté créatrice manquaient à Vitet, malgré toute sa perspicacité. Il n'y a jamais dans ses drames de crise dont tout le reste serait une préparation ou une conséquence. Une certaine timidité, peu favorable à l'art, l'empêchait de rien changer au sujet et de laisser paraître sa personnalité. Il n'était point capable d'imprimer à son oeuvre le cachet de son originalité. Il abandonna si vite la carrière dramatique, parce que son imagination, si puissante qu'elle fût, ne pouvait se mouvoir librement, quand il observait, ou qu'il écrivait; la poussière des livres arrêtait son vol.

Il serait extrêmement injuste d'appliquer ce jugement à un écrivain romantique qui, sur les traces de Vitet, essaya de dramatiser l'histoire et qui, un an déjà avant Hugo, en janvier 1829, se fit connaître par son drame historique "Henri III et sa cour". Je veux parler d'Alexandre Dumas, né en 1803, talent d'une fécondité inépuisable, véritable hercule de la littérature comme son père avait été un hercule dans le métier des armes. Pendant quarante ans, Dumas a écrit sans s'arrêter, mais il ne conviendrait point de se moquer de cette imagination extraordinaire toujours en travail. On sent circuler dans les oeuvres de Dumas le sang français mêlé au sang africain; toutes ont quelque chose de l'insouciance du créole et de l'ardeur

|326|

sensuelle du nègre. Dumas, avec l'aide de nombreux collaborateurs qui étaient bien loin de l'égaler, a rempli de ses travaux tous les théâtres, toutes les librairies et toutes les colonnes des journaux. Les imprimeurs pouvaient à peine le suivre. Il est regrettable que sa légèreté arrêta son développement et que, sa première jeunesse passée, il cessa d'être artiste. Après s'être laissé entraîner par le courant de l'époque, et avoir commencé par le romantisme, il finit par l'industrialisme littéraire.

Dans "Henri III et sa cour", Dumas fit ce que Vitet n'avait pas su faire avec le même sujet : un drame vivant et susceptible d'être joué. Mais, il y brava de la manière la plus superficielle les traditions classiques. Il osa repré- senter fidèlement la cour de Henri III, avec tout son appareil extérieur: sur la même scène où le héros et son confident s'étaient entretenus ensemble, la main sur le pommeau de leur épée, des fiivoris venaient jouer au bilboquet, tout récemment inventé, et s'amusaient, dans les entr'actes à tirer avec des sarbacanes. Tous ces personnages d'ailleurs sentaient et parlaient comme des jeunes hommes de 1828.

Les autres drames historiques de Dumas, qui appartiennent à cette époque, révèlent une psychologie tout aussi superficielle (Napoléon Bonaparte, Charles VU chez ses grands vassaux, etc.). Plus tard seulement quand il trouva un siècle dont il comprit l'esprit, Dumas réussit à brosser des tableaux admirables , comme dans le drame aussi captivant qu'émouvant "Un mariage sous Louis XV. " et dans "Gabrielle de Belle -Isle". Ce dernier drame, avec sa peinture discrète et légèrement idéaliste des moeurs de la Régence, a une véritable valeur poétique.

En écrivant "Antony" en 1831, Dumas donna à la jeune génération romantique l'un des types dont elle prit le nom. Malgré tous ses défauts, cette pièce se distingue de la plupart des autres drames de Dumas par un sang plus chaud et plus bouillant et un accent plus marqué d'humanité, et si, quelque naïve qu'elle fût, elle eut un

|327|

succès relativement considérable, c'est que l'auteur s'y mettait lui-même sur la scène avec ses passions fougueuses, son enthousiasme juvenil et son caractère chevaleresque.

Antony est un héros de 1830 aux larges épaules et à la crinière de lion comme ceux de Hugo, à la fois enthousiaste et pessimiste, capable de vivre sans manger ni dormir, et toujours prêt au suicide et au meurtre. Mais le succès de la pièce tint à ce que Dumas — tout au contraire de Hugo — y représentait l'année 1830 et que son héros portait le même frac que les spectateurs. Le romantisme s'était volontairement limité au moyen-âge, ici il se présentait sous un costume moderne.

Dumas défend sa théorie ^ur ce point dans le drame lui-même. H y a au quatrième acte une discussion litté- raire 011 un poète, partisan du romantisme, explique pourquoi celui-ci s'est réfugié dans le moyen-àge: "Je disais donc que la comédie de moeurs devenait de cette manière, sinon impossible, du moins très difficile à exécuter. Reste le drame de passion, et ici une autre difficulté se présente. L'histoire nous lègue des faits, ils nous appartiennent par droit d'héritage, ils sont incontestables, ils sont au poète: il exhume les hommes d'autrefois, les revêt de leurs costumes, les agite de leurs passions, qu'il augmente ou diminue selon le point oii il veut porter le dramatique. Mais, que nous essayions, nous, au milieu de notre société moderne, sous notre frac gauche et écourté, de montrer à nu le coeur de l'homme, on ne le reconnaîtra pas ... La ressemblance entre le héros et le parterre sera trop grande, l'analogie trop intime; le spectateur qui suivra chez l'acteur le développement de la passion voudra l'arrêter là où elle se serait arrêtée chez lui; si elle dépasse sa faculté de sentir ou d'exprimer à lui, il ne la comprendra plus, il dira: "C'est faux; moi, je n'éprouve pas ainsi; quand la femme que j'aime me trompe, je souffre sans doute . . . oui . . . quelque temps . . . mais je ne la poignarde ni ne meurs, et la preuve, c'est que me voilà". Puis les cris à l'exagération, au mélodrame, couvrant les applaudisse-

|328|

ments de ces quelques hommes qui, plus heureusement ou plus malheureusement organisés que les autres, sentent que les passions sont les mêmes au XV*^ qu'au XIX"^ siècle, et que le coeur bat d'un sang aussi chaud sous un frac de drap que sous un corselet d'acier ..." On peut se figurer les acclamations qui accueillirent ces paroles. Tous voulaient être parmi les hommes dont parlait Dumas. La passion était à l'ordre du jour et on l'applaudissait chaleureusement.

"Antony" constitue aussi en réalité un concert de passions fougueuses sans exemple dans la littérature. — Le héros revient à Paris après un voyage de plusieurs années et trouve sa fiancée mariée. Il l'arrache d'une voiture dont les chevaux ont pris le mors aux dents, mais le timon le frappe en pleine poitrine, et on l'emporte blessé chez celle qu'il vient de sauver. Antony est un enfant naturel abandonné par ses parents; c'est pourquoi, aujourd'hui qu'il aime, il se révolte contre les lois de la société. Il s'écrie désespéré: "Les autres hommes, du moins, lorsqu'un événement brise leurs espérances, ils ont un frère, un père, une mère ! . . . des bras qui s'ouvrent pour qu'ils viennent y gémir. Moi! moi! je n'ai pas même la pierre d'un tombeau où je puisse lire un nom et pleurer.

Les autres hommes ont une patrie; moi seul, je n'en ai pas! . . . car, qu'est-ce que la patrie? Le lieu où l'on est né, la famille qu'on y laisse, les amis qu'on y regrette . . . Moi, je ne sais pas même où j'ai ouvert les yeux ... Je n'ai point de famille, je n'ai point de patrie, tout pour moi était dans un nom; ce nom c'était le vôtre, et vous me défendez de le prononcer."

Sur ce, Adèle lui dit: "Antony, le monde a ses lois, la société ses exigences; qu'elles soient des devoirs ou des préjugés, les hommes les ont faites telles, et, eussé-je le désir de m'y soustraire, il faudrait encore que je les acceptasse."

Il répond: "Et pourquoi les accepterais-je, moi? . . . Pas un de ceux qui les ont faites ne peut se vanter de

|329|

m'avoir épargné une peine ou rendu un service ; non, grâce au ciel, je n'ai reçu d'eux qu'injustice, et ne leur dois que haine ... Je me détesterais du jour oii un homme me forcerait à l'aimer . . . Ceux à qui j'ai confié mon secret ont renversé sur mon front la faute de ma mère . . . Pauvre mère! ..." Adèle, avant son mariage, aimait donc Antony, aujourd'hui elle évite sa rencontre. Celui-ci, égaré par la passion, l'attend dans une chambre d'auberge où elle descend en allant rejoindre son mari à Strasbourg, et lui fait violence. Malgré cette action indigne, Adèle continue à l'aimer, et nous retrouvons le couple à Paris. Leur aventure s'est ébruitée, et Adèle est exposée au mépris des femmes hypocrites qui savent mieux cacher leurs passions secrètes sous une apparence de vertu austère; des femmes comme la vicomtesse de Lacy répondent à ces attaques en faisant le procès de la société et de son hj^jocrisie. Mais le drame touche à sa fin: le mari, le colonel d'Hervey, est de retour. Antony propose à Adèle de l'enlever, quand déjà on entend dans l'escalier les pas du colonel. Antony tire alors son poignard, frappe la jeune femme pour la sauver du déshonneur et crie au colonel, au moment où il enfonce la porte: "Elle me résistait, je l'ai assassinée."

Aujourd'hui la pièce paraît absurde à la lecture. Si elle était nouvelle, on sourirait là où l'on devrait pleurer. On se demande comment elle a pu enthousiasmer jusqu'au délire un public choisi de 1831 qui applaudit, pleura et sanglota à l'envi. Il est vrai qu'elle fut jouée par des acteurs de talent comme Bocage et Marie Dorval. Dumas lui-même raconte que la jeunesse, transportée d'admiration, mit en lambeaux son beau frac vert pour en faire des reliques. A supposer qu'il y ait là quelque exagération, il n'en est pas moins vrai que l'enthousiasme ne connut pas de bornes. La raison en est qu'on ne rit jamais d'une oeuvre dans laquelle on retrouve ses propres sentiments. Antony, ce n'était pas seulement la victime d'une passion brutale et d'un amour profond qui est

|330|

poussée à commettre un meurtre plutôt que d'exposer son amante au déshonneur, c'était encore le jeune héros qui est appelé mystérieusement, à la façon des héros de Byron, à lutter contre les injustices du sort et qui se montre plus grand que le sort. Cependant quelques-uns parmi les contemporains jugeaient déjà plus sainement. Bocage qui jouait le rôle d'Antony trouvait l'exclamation finale si puérile qu'il n'aurait pas mieux demandé que de la retrancher. Un soir, il l'omit tout simplement et fit tomber le rideau avant la fin. Mais aussitôt les spectateurs se mirent à crier comme des possédés et à réclamer la dernière phrase. Bocage avait quitté la scène, et Madame Dorval, qui était toujours étendue morte, eut la présence d'esprit de faire relever le rideau et de dire en souriant: "Je lui résistais, il m'a assassinée."*) au lieu de la phrase que l'on connaît. Une seule mais violente protestation se fit entendre dans le groupe romantique.

Si l'on veut relire dans "L'histoire de la littérature dramatique" de Jules Janin la critique magistrale que celui-ci a faite d'"Antony", (la meilleure sûrement de toutes celles que Janin a écrites) on verra comme les éclats de rire couvrirent les extravagances romantiques.

Tandis qu'Antony était la passion romantique à son paroxysme, "Chatterton", le seul drame heureux de de Vigny, en était l'élégie. Ces deux drames favoris de la génération de 1830 sont opposés l'un à l'autre, comme le culte du génie est opposé au culte de la passion, comme la compassion pour la souflrance est opposée à l'admiration de l'action ou mieux encore comme l'élément germanique du romantisme est opposé à l'élément latin.

Alfred de Vigny, né en 1799, n'avait point eu de succès avec son magnifique drame historique "La Maréchale d'Ancre", joué en 1834, pour la raison, sans doute, qu'il

\*) Cette anecdote m'a e'té raconte'e par un témoin oculaire, Philarète Chasles.

|331|

présentait à peu près les mèuies types auxquels les autres drames historiques et romantiques avaient déjà habitué le public. L'amant Borgia, par exemple, ressemble beaucoup à ceux de Hugo, et même à ceux de Dumas qui est d'ailleurs si différent de Hugo. On sent ici nettement avec quelle puissance l'école romantique imprime son cachet sur les talents les plus dissemblables.\*)

"Chatterton", représenté en 1835, est tout autrement caractéristique pour de Vign}'. Celui-ci y reprend le même sujet qu'il avait déjà traité de trois manières difïérentes, deux années plus tôt, dans son recueil de Nouvelles "Stello", je veux dire l'isolement et les malheurs qui accablent le poète dans la société moderne. De Vigny part de cette conception romantique que le poète est un être supérieur, l'être le plus noble et le plus grand ici-bas, conception que partageaient également les romantiques allemands, et il éprouve une profonde pitié pour lui, en voyant le sort qui lui est fait, surtout quand il est jeune, au moment où il a besoin d'une assistance qu'il trouve si rarement. Mais, en demandant continuellement que la société assure l'existence du poète, de Vigny — c'est là ce qui l'honore — ne plaide pas sa propre cause, car luimême était issu d'une ancienne famille aristocratique et avait toujours vécu indépendant. Il considère le poète comme un malade qui est entièrement soumis à son imagination, qui est, par conséquent, incapable de rien faire qui n'appartienne à sa mission divine et surtout de

\*) Il faut lire dans la liste des personnages de "Chatterton" les indications suivantes, sur Borgias, destinées à faciliter à l'acteur son rôle. On trouve là réunies toutes les définitions du romantisme qui peuvent s'appliquer aussi en général aux jeunes héros de Hugo et même à Antony : ^Montagnard brusque et bon. Vindicatif et animé par la vendetta comme par une seconde âme; conduit par elle comme par la destinée. Caractère vigoureux, triste et profondément sensible. Haïssant et aimant avec violence. Sauvage par nature, et civilisé comme malgré lui par la cour et la politesse de son temps.

((|332|))

gagner son pain\*). S'il écrit })Our vivre, il étoutîe en lui son génie, il développe sa raison aux dépens de son imagination et l'étincelle céleste s'éteint dans son coeur. Il ne faut donc pas avilir par un travail terrestre le messager de Dieu. Sa tête est un volcan qui peut sans cesse vomir une "lave harmonieuse\*\*), si on lui laisse tous les loisirs nécessaires.

Il y a là, aux yeux d'un lecteur moderne, une part de vérité, mais une part beaucoup plus grande encore d'exagération. Le drame qui est bâti sur cette idée et qui fit couler des torrents de larmes, vise tellement à la pitié qu'il manque son efifet tragique, et il prend partie pour son héros avec un tel excès de lyrisme que son équilibre intime et nécessaire s'en trouve détruit. Chatterton et la jeune quakeresse qu'il admire ont, dans le drame, accaparé toute la noblesse d'esprit et toute la grandeur d'âme de l'humanité ; autour d'eux c'est la prose, la dureté de coeur, la grossièreté, la sottise. "Chatterton", c'est le drame du génie idéaliste opprimé par son entourage matérialiste. La conception de la vie exprimée là se rapproche de celle que nous trouvons en Allemagne chez Novalis, en Danemark chez Andersen et chez Ingemann; pour les poètes de ce genre, c'est en vain que Goethe a écrit son "Torquato Tasso".

Aujourd'hui nous avons fini par nous lasser de ces drames d'artistes dont le "Corrège" d'Oehlenschläger ouvre la série et qui sont représentés en Allemagne par le drame d'Holtei "Lorbeerbaum und Bettelstab". Chattertonne nous émeut plus quand, pour la belle raison qu'il est créé pour lire dans les étoiles la voie que Dieu nous trace, il aime mieux porter à ses lèvres la coupe d'opium que d'accepter une situation prosaïque qui lui rapporterait cent livres par

\*) Sainte-Beuve ne voit dans "Chatterton que l'analyse d'une "maladie littéraire".

\*\*) Voir l'introduction typique de "Chatterton" Dernière nuit de travail du 2'? au 30 Juin 1834.

|333|

an. Ici également ce qui, il y a cinquante ans, remuait tous les coeurs, ne nous fait plus aujourcriiui que sourire et hausser les épaules.

Le romantisme était donc, dans sou essence, trop lyrique pour pouvoir produire des oeuvres dramatiques d'une valeur durable. C'est ce que Ton voit très clairement si l'on jette un regard sur les drames de Hugo qu'on peut comparer, sous beaucoup de rapports, avec ceux d'Oehlenschläger: Hugo, comme Oehlenschlager, se contente d'esquisser ses personnages, et il remplace ce qui leur manque de réalité vivante par un puissant lyrisme et un pathos plein d'exaltation. H est évident toutefois que les personnages de Hugo sont plus près de la réalité que ceux d'Oehlenschläger parce qu'en France on avait vu se réaliser quelque chose d'analogue à ce que Hugo représentait dans ses drames. Hernani ne rappelle-t-il pas les généraux vendéens luttant contre les armées de la République ? Gilbert qui s'offre à mourir sur l'échafaud pour venger son amante ne fnit rien de plus que beaucoup des nobles victimes de la Terreur, et si Euy Blas, de serviteur qu'il était, devient ministre d'Etat, Rousseau ne s'était -il pas élevé de la même situation modeste au rang d'écrivain universellement célèbre ? Néanmoins , Hugo avec son goût pour l'horrible et l'extraordinaire a bien soin d'éviter tout ce qui pourrait rappeler la réalité avec laquelle nous sommes familiarisés et de nous présenter, à la place, des anomalies qu'il croyait grandes et qui ne sont pour nous que mons- trueuses. 11 avait un si grand penchant à l'exagération lyrique que ce qui lui paraissait grand nous apparaît à nous démesuré.

Sa conception de l'humanité est aussi dans ses drames absolument lyrique; elle se rapproche beaucoup de la psychologie de Lamartine, son rival, qui était d'ailleurs si différent de lui. Mais, Lamartine, avec son sens inné de l'harmonie, aime à peindre des caractères purs et aimables qui se laissent subitement tenter, succombent un instant à la tentation et expient cette chute momentanée-

|334|

par une longue vie de repentir et de pénitence (voir Jocelyn et Cédar dans "La Chute d'un Ange"). Hugo, au contraire, peint de préférence dans ses drames une âme dégradée par une vile passion, mais capable à l'occasion de revenir au bien et de faire oublier son passé criminel auquel elle a renoncé. Cette âme aspire à la beauté idéale dont elle comprend tout le charme, mais se sent ellemême indigne des nobles sentiments qui s'agitent en elle; elle n'est point capable de s'élever jusqu'à ces hauteurs inconnues, et elle retombe dans son premier état d'avilissement.

Quelques exemples éclaireront et confirmeront ce que je viens de dire: Triboulet, dans "Le Roi s'amuse" est un instrument du vice sans scrupule et, pour cela, l'objet du mépris et de la raillerie, mais il aime sa fille avec la plus grande tendresse. Aussitôt qu'elle lui est arrachée, les sentiments de haine et de vengeance l'emportent dans son coeur. — Marion Delorme s'est prostituée cent fois, mais elle finit par aimer un jeune homme valeureux, et son amour la purifie et la régénère entièrement. Cependant, après que Didier a été condamné à mort, elle redevient Marion, sous le règne de la Terreur. Elle se donne au juge pour sauver son amant, sans comprendre que celui-ci préfère mourir que d'être sauvé de la sorte. — Lucrèce Borgia est née et a grandi dans le crime; mais cette criminelle et cette prostituée a un fils qu'elle aime, et pour obtenir un regard de lui, elle est prête à devenir vertueuse. Malheureusement on l'offense mortellement, et, dans sa colère, elle recourt à son ancien expédient: elle invite ses amis, leur présente du poison et tue ainsi également, malgré elle, son propre fils. — Euy Blas a été contraint par la pauvreté de se mettre au service d'un noble. L'amour d'une reine le fait ministre, il se montre à la hauteur de sa situation, opère de grandes et utiles réformes et est sur le point de devenir le sauveur de sa patrie. Mais son passé se lève contre lui, et, en voyant ses espérances anéanties, il se venge indignement.

|335|

Il refuse de se battre avec son maître, lui enlève son épée et l'en perce après l'avoir ainsi désarmé."*)

Ainsi se retrouve an fond de tous les drames de Hugo la même conception tragique: la source du pathos lyrique y jaillit aussitôt que l'humanité avilie s'élève de la fange où elle est tombée; l'ùme impure et criminelle y entonne partout l'hymne de sa purification.

Hugo a, dans l'une de ses poésies les plus célèbres des "Chants du Crépuscule XXXII" introduit une comparaison symbolique à laquelle ses drames font involontairement songer.

Là- haut, dans les airs, la cloche aux sons pieux se balance, attendant la prière prochaine.

"Sur cette cloche, auguste et sévère surface, Hélas! chaque passant avait laissé sa trace. Partout des mots impurs creusés dans le métal Rompaient l'inscription du baptême natal. On distinguait encore, au sommet ciselée. Une couronne à coups de couteau mutilée. Chacun, sur cet airain par Dieu même animé, Avait fait son sillon où rien n'avait germé !

Tout était profané dans la cloche bénie. La rouille s'y mêlait, autre amère ironie! Sur le nom du Seigneur l'un avait mJs son nom !

Oh ! dans mes premiers temps de jeunesse et d'aurore, Lorsque ma conscience était joyeuse encore, Sur son vierge métal mon âme avait aussi Son auguste origine écrite comme ici. Et sans doute à côté quelque inscription sainte. Et, n'est-ce pas, ma mère? une couronne empreinte! Mais des passants aussi, d'impérieux passants Qui vont toujours au coeur par le chemin des sens. Qui, lorsque le hasard jusqu'à nous les apporte,

*) Voir Madame de Girardin: Lettres Parisiennes II. 31.

|336|

Montent notre escalier et poussent notre porte, Qui viennent bien souvent trouver l'homme au saint lieu Et qui le font tinter pour d'autres que pour Dieu, Les passions, hélas! tourbe un jour accourue. Pour visiter mon âme ont monté de la rue. Et de quelque couteau se faisant un burin, Sans respect pour le verbe écrit sur son airain, Toutes, mêlant ensemble injure, erreur, blasphème. L'ont rayée en tous sens comme ton bronze même. Où le nom du Seigneur, ce nom grand et sacré. N'est pas plus illisible et plus défiguré!

Mais qu'importe à la cloche et qu'importe à mon âme!; Qu'à son heure, à son jour, l'esprit saint les réclame, Les touche l'une et l'autre et leur dise: chantez! Soudain, par toute voie et de tous les côtés. De leur sein ébranlé, rempli d'ombres obscures, A travers leur surface, à travers leurs souillures. Et la cendre et la rouille, amas injurieux, Quelque chose de grand s'épandra dans les cieux!"

Bien que dans ces vers le poète n'ait voulu peindre^ que son état d'âme, il a en même temps trouvé une très juste expression symbolique pour caractériser la poésie lyrique qui jaillit des âmes malheureuses et coupables, les seules qui donnent de l'intérêt à ses drames.

Mais le lyrisme le plus puissant et le plus pathétique ne suffit point pour créer un drame. Il y faut encore de la raison et de l'équilibre dans les sentiments, ou tout au moins de l'esprit et du goût pour lui servir de base solide.

C'est précisément ce qui manquait à Hugo et voilà pourquoi il réussit de moins en moins dans le drame. Il ne sut point échapper au sort de tant d'autres artistes : ce qui, au début, était chez lui style devint peu à peu manière. Il fut sur le point de s'imiter lui-même et de devenir son propre et meilleur disciple, et il finit par

- 337 —

donner au théâtre une imrodie de lui-même — la seule parodie efficace et dangereuse qu'il y ait.

Il n'avait jamais eu le sens du comique et il avait toujours été porté à confondre le monstrueux avec le sublime. Ce penchant se manifeste tout particulièrement dans les "Burgraves". La seule lecture de la liste des personnages provoque le sourire: Job, burgrave d'Heppenhef, 100 ans; Magnus, fils de Job, 80 ans; Hatto, fils de Magnus, 60 ans; Gorlois, fils d'Hatto, 30 ans.

Je me rappelle avoir vu à Paris une caricature représentant tous les Burgraves alignés par rang de taille et avec une barbe en proportion, depuis le premier ancêtre jusqu'au dernier descendant.

Job, le vieilhird centenaire, est le plus alerte et le plus actif de tous; il est le représentant du bon vieux temps et il appelle son fils âgé de quatre-vingts ans un "jeune homme", sans que Hugo songe à sourire. Tous ces vieillards s'entretiennent avec un vieux mendiant de quatre-vingtdouze ans qui n'est autre que Barberousse, lequel (à peu près comme Olaf Trygvasön dans les " Vaeringer" d'Oehlenschläger) a vécu caché durant vingt ans et veut aujourd'hui se venger sur le plus âgé des Burgraves qui a jadis attenté à sa vie. Tout le drame est rempli d'invraisemblances romantiques. Job , par exemple, marque d'un trèfle rougi au feu son puissant adversaire, Barberousse, qu'il distingue à peine dans les ténèbres, afin de pouvoir le reconnaître un jour à ce signe.

Cette création monstrueuse d'une imagination déréglée échoua sur la scène en 1843. A la première représentation on commença à siffler au milieu de la pièce. L'un des fidèles de Hugo courut l'avertir de ce qui se passait. Hugo, qui, comme Napoléon, mettait ordinairement toute sa confiance en sa garde, répondit: "Procurez-moi des jeunes gens". — Hélas ! il n'y a plus de jeunesse, reprit le messager en baissant les yeux et d'un air découragé. La génération h laquelle les romantiques s'étaient adressés treize ans auparavant, avait déjà vieilli et, ce qui est pis,

Brandes, l'école romantique en France. 22

|338|

était fatiguée parce qu'on avait souvent trop exigé d'elle. Une réaction était devenue inévitable, et, dans la même année que Hugo faisait jouer "Les Burgraves", elle se produisit avec un jeune poète qui venait de trouver sa muse.

Un jeune homme jusqu'ici inconnu et foncièrement honnête, possédant, à défaut d'une puissante imagination, un goût exquis uni à une gravité austère et à une grande noblesse d'âme, débarquait en effet un jour de la province à Paris avec un drame dans la poche. Il s'appelait Ponsard, et sa pièce "Lucrèce". C'était une tragédie dont l'antique légende de la chasteté et de la mort de Lucrèce formait le sujet. Le style était sobre et sévère, et rappelait celui de Racine. On commençait à se lasser du st34e emphatique et déclamatoire des romantiques. Plus d'un brave bourgeois avait déjà depuis longtemps souri en hochant la tête quand il lisait dans Hugo des phrases comme celles-ci: "les sons ruisselaient de l'orgue comme l'eau d'une éponge" ou bien "la nappe était le linceul du pâle chagrin". Mais personne jusqu'ici n'avait pu prétendre se mesurer avec Hugo. Aujourd'hui Ponsard l'osait. Au premier regard, sa pièce paraissait être écrite dans le style de la vieille tragédie classique. On ne fit pas attention que le sujet, quoique antique, était traité d'une façon moderne, que le nouveau-venu avait beaucoup appris des romantiques, de Hugo tout particulièrement, dont il imitait le chaud coloris, et qu'enfin, en réalité, il était moins original qu'on le croyait.

On ne vit qu'une chose, c'est que le drame était sain et simple. On vit dans Lucrèce non j)lus le monstre affreux de cruauté et de sensualité que nous avait présenté Hugo, mais l'héroïne de la Rome antique, le symbole de la chasteté et de la pureté féminine. C'était la poésie du mariage, de la famille, du foyer, opposée à "Antony" et à ses congénères, ces drames de l'adultère, de l'abandon et du crime.

Tous les catholiques et tous les classiques de France, tous ceux qui, dans le monde protestant de la Suisse,

|339|

étaient capables de manier la plume, entonnèrent un concert d'éloges. Hugo avait enfin trouvé son maître et Racine son égal. Vinet lui-même, fit entendre sa voix au milieu du concert général. Le style de Ponsard le transportait, et il écrivait: "Ce poète tisse l'or comme sa Lucrèce tisse la laine." "Les Burgraves échouèrent au théâtre le 7 mars 1843; le 23 avril de la même année, "Lucrèce" obtint dès la première représentation un succès foudroyant. La défaite du drame romantique fut suivie du triomphe passager de "l'école du bon sens." Ponsard, s'il voulait en croire ses critiques Janin et les autres, — à l'exception toutefois de Gautier et de Dondey — devait s'imaginer qu'il venait de conquérir une gloire immortelle.

La réaction classique venait de trouver son actrice en même temps que son poète. En 1838, une jeune juive de dix-huit ans, sans instruction, qui jusqu'ici avait chanté dans les rues et dans les cafés en s'accompagnant de la harpe, faisait son apparition au Théâtre - Français et ne tardait pas à y devenir célèbre. Rachel, le plus grand génie féminin que la France ait produit, monta donc sur la scène, mais avec une aversion marquée pour les rôles romantiques. Elle interpréta, par contre, les drames classiques avec une telle gravité et une telle passion que — chose incroyable alors — elle leur rendit tout leur charme d'antan. En vain Gautier se tordait les mains d'indignation. Iphigénie, Mérope, Chimène, Phèdre reparurent sur la scène, interprétées avec tant de noblesse et de vérité que le public mobile n'éprouva plus qu'une espèce de rage furieuse contre ceux qui avaient osé porter une main sacrilège sur son trésor national et sacré. Un peuple est toujours flatté de reconnaître que ce n'est pas à tort qu'il a honoré ses grands hommes.

Tout d'abord, Rachel avait refusé de jouer le rôle de Lucrèce qui pourtant avait été composé pour elle. Mais elle l'accepta, quand la pièce eut réussi à l'Odéon. Un témoin oculaire m'a dépeint l'impression des spectateurs

22*

|340|

à sa première apparition: "On attendait anxieusement le lever du rideau; il se leva enfin, et nous vîmes Rachel, dans le rôle de Lucrèce, à sa quenouille au milieu de ses esclaves. Les bruits et les conversations s'arrêtèrent à son entrée et, quand elle redressa la tête pour dire: "Lève-toi Laodice", le silence fut si profond qu'on entendait du dehors les marchandes annoncer leurs oranges.

Dans l'admiration enthousiaste qu'on éprouvait pour Rachel, on ne vit point qu'un talent isolé qui pouvait ranimer un moment les grandes oeuvres du passé ne suffisait pas cependant pour faire revivre la formule classique; on ne vit pas davantage combien le triomphe de Ponsard serait passager. "L'école du bon sens," comme son nom seul l'indique, ne réussit point à créer une seule oeuvre poétique puissante, Ponsard lui-même était un talent de second ordre; son successeur plus hardi, Emile Augi er, qui lui dédia ses drames, écrits à peu près dans le même esprit, renonça plus tard à ce style sobre et sévère.*)

"L'école du bon sens" dont les aspirations étaient sincères n'a certes pas mérité les attaques et les dédains de jeunes romantiques tels que Vacquerie et Théodore de Banville; cependant elle n'a sa place dans l'histoire de la littérature que parce qu'elle marque la fin du drame romantique.

\*) "Gabrielle" d'Augier est assurément le chef-d'oeuvre de "l'école du bon sens " D'autres drames d'Augier comme "La Jeunesse" et "La Pierre de touclie" ont été inspirés par .L'Honneur et l'Argent" de Ponsard.

Du kan slå ord fra Brandes' tekst op i ordbogen. Aktivér "ordbog" i toppen af siden for at komme i gang.